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R comme ramasser et D comme disperser

Rudolf Laban, La maîtrise du mouvement, Acte Sud

« Ramasser » et « disperser » p 120-125

« On a constaté que les attitudes corporelles au cours du mouvement sont déterminées par deux principales formes d’actions. L’une des deux va du centre du corps vers l’extérieur, tandis que l’autre va de la périphérie de la Kinesphère vers le centre du corps. Les deux formes d’actions représentant ces mouvements sont : « ramasser » et « disperser »…

De nombreuses combinaisons de ces deux sortes d’actions peuvent être exécutées par nos membres indépendamment les uns des autres. Par exemple, il est possible qu’un bras « ramasse » tandis que l’autre « disperse », et il est même possible que la partie supérieure d’un bras « disperse  » alors que l’avant-bras et la main « ramassent »…Au cours d’un pas où le poids du corps est transféré sur une jambe tandis que l’autre se libère, cette jambe libre peut exécuter le pas suivant ou bien accomplir un mouvement consistant en une action soit de « ramasser », soit de « dispersion ». Il est possible de « disperser » avec le talon alors que les orteils « ramassent ».

Certaines combinaisons de mouvement qui « rassemblent » ou qui « dispersent » sont caractéristiques de certaines époques historiques ou de certains endroits du monde….

Chez les danseurs primitifs ou chez les petits enfants, c’est par le flux flexible d’une action de ramasser que l’objet est saisi. Ce geste de prise de possession est en opposition avec celui de répulsion, qui est un mouvement de dispersion direct, de rejet. Possession et répulsion appartiennent aux besoins fondamentaux. Dans la danse traditionnelle, ces actions sont pétrifiées dans des poses du corps caractéristiques…

La forme directe est appelée « arabesque » et la forme flexible « attitude ». Il est évident qu’il ne reste rien des mouvements originels (action de « ramasser  » et de « disperser ») exprimant la possession et la répulsion car, dans le ballet classique, ces deux postures sont soumises à l’image aimable d’un état d’esprit satisfait. Les nombreuses arabesques et attitudes des danseurs classiques ont, néanmoins, une parenté expressive avec les actions dont elles proviennent: elles symbolisent des élans profonds semblables, mais sans les signifier. En principe, un symbole ne signifie rien de défini, mais provoque une grande variété d’images chez le spectateur. Les besoins fondamentaux de possession (saisir) ou de répulsion ( pousser) qui trouvent leur expression dans les mouvements primitifs sont dissous dans le ballet, selon une échelle variable de formes harmonieuses qui ne possèdent qu’un caractère évocateur…

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Si nous analysons les deux formes « attirer et repousser » sublimées, nous constaterons que les poses appelées « attitudes » remplissent beaucoup mieux l’espace que les « arabesques ». Les attitudes montrent une relation avec toutes les dimensions: haute, basse, droite, gauche, avant et arrière. C’est comme si tout l’espace était réduit à une seule dimension, unique mais complète…Les arabesques sont d’un caractère tout différent. Elles ne remplissent pas l’espace: elles irradient à partir du centre du corps dans des directions définies…s’élancent vers quelques point du monde et restent inachevées. Cette pénétration de l’espace qui est caractéristique d’une « arabesque » contraste avec la focalisation confinée de l’attitude…Dans ces deux poses, la sensation du mouvement est concentrée sur le symbolisme que les formes de l’espace révèlent… »

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Les mystères païens de la renaissance. Edgard wind  p 31

L’allégorie des Trois Grâces

« Pourquoi les trois-grâces sont-elles trois, pourquoi sont-elle soeurs, pourquoi leurs mains sont-elles entrelacées? – tout cela se trouve expliqué dans le  De beneficiis  de Sénèque par le triple rythme de la générosité, laquelle consiste à donner, à recevoir et à rendre. Gratias agere signifiant « adresser des remerciements », les trois phases doivent-être liées dans une danse à l’exemple des Grâces; parce que  » l’ordre du bienfait veut qu’il passe de mains en mains mais revienne à son auteur », et bien qu’il y ait une plus grande dignité à donner », jamais le cercle ne doit être interrompu ».

« Si l’une d’elles est représentée de dos tandis que les deux autres nous font face, c’est pour un bienfait qui vient de nous, nous sommes censés en recevoir deux en retour. »

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