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 P comme Palimpseste

Anselm Kiefer/    Albrecht Dürer Melancholia, 1514. Engraving © British Museum

« Palimpseste, mot utilisé pour décrire les manuscrits antiques qui furent soigneusement effacés pour devenir de nouveaux parchemins prêts à recevoir de nouvelles écritures au cours du Moyen-Age. Souvent, on devine le manuscrit d’origine sous les nouvelles écritures créant alors un double manuscrit. En somme, faire un palimpseste c’est écrire du neuf avec du vieux. En musique, cela peut être un emprunt à une œuvre antérieure que l’on devine en filigrane ou encore la réminiscence d’une formule oubliée qui parle à notre mémoire mais le palimpseste peut être aussi l’effacement du connu. »

Clément Lebrun. Le cri du Patchwork, Mai 2015 : http://www.francemusique.fr/emission/le-cri-du-patchwork/2014-2015/palimpseste-1-4-du-bruit-de-l-effacement-05-09-2015-16-00

 Georges Noël. Palimpseste. Le soir. 1965

Gérard Genette. Résumé de « Palimpsestes. La Littérature au second degré »

« Un palimpseste est un parchemin dont on a gratté la première inscription pour en tracer une autre, qui ne la cache pas tout à fait, en sorte qu’on peut y lire, par transparence, l’ancien sous le nouveau. On entendra donc, au figuré, par palimpsestes (plus littéralement : hypertextes), toutes les oeuvres dérivées d’une oeuvre antérieure, par transformation ou par imitation. De cette littérature au second degré, qui s’écrit en lisant, la place et l’action dans le champ littéraire sont généralement, et fâcheusement, méconnues. On entreprend ici d’explorer ce territoire. Un texte peut toujours en lire un autre, et ainsi de suite jusqu’à la fin des textes. Celui-ci n’échappe pas à la règle : il l’expose et s’y expose. Lira bien qui lira le dernier. »

p 290 « Dans un mouvement caractéristique du fameux (et fort ambigu) « refus d’hériter », chaque époque se choisit ses précurseurs, de préférence dans une époque plus ancienne que celle où vivait la détestable génération précédente. Les Formalistes auraient pu dire: refus du père …et élection de tel oncle jusque-là méconnu…du grand-père…ou de l’arrière grand-père…Le tour du père (re)viendra peut-être, quand la génération suivante aura épuisé les joies du baroquisme « postmoderne » et cherchera qui sait, à se ressourcer, ou à se cautionner, chez ses ancêtres naturalistes, par exemple. Cet âge postpostmoderne sera alors celui d’un « retour »…Cette évolution en saute-mouton est bien connue…il s’ensuit bien clairement qu’il reste quelques beaux jours à la réactivation générique, et à l’hypertextualité en général…Ce qui ne signifie pas, comme on l’avance parfois niaisement, que certaines époques n’ont « rien à dire ».

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Jésus Raphael Soto, Gran doble escritura (Grande écriture double), 1977
Bois peint et métal, 253,5x380x30 cm

« La rencontre avec une image a d’abord lieu frontalement, c’est un moment extraordinaire, une rencontre avec les yeux, mais aussi avec le front, la bouche, les mains : c’est tout mon corps qui, tout à coup, tombe sur La Dentellière de Vermeer, par exemple (toute petite, bouleversante, inattendue). J’ai dit aussi “devant” parce que le discours iconographique et son côté “Sherlock Holmes” faisait, à l’époque de ma formation à l’histoire de l’art, comme si une image était une porte fermée qu’il aurait fallu, grâce à une “clé” – une clé d’interprétation –, savoir ouvrir pour en comprendre l’énigme, ce qu’il y a “derrière”. Mais il n’y a rien derrière un tableau de Vermeer ! Tout est là, rien n’est caché ! Le mystère n’est pas derrière la porte, il est la porte elle-même (si la porte est aussi belle et intéressante qu’un tableau de Vermeer). Voilà pourquoi il a été important pour moi, entre autres choses, de recourir à des descriptions phénoménologiques : pour raconter, aussi charnellement que possible, ces rencontres avec les images. »

Exposition Nouvelles histoires de fantômes, par Georges Didi-Huberman et Arno Gisinger, du 14 février au 7 septembre 2014 au Palais de Tokyo

http://www.lesinrocks.com/2014/02/12/arts/tout-est-la-rien-nest-cache-11472282/
 La dentellière,  Johannes Vermeer, 1669-1671/ Casper Netcher,1662/

« Rien de ce qui est advenu autrefois n’était obligé d’advenir…laisse de l’espace à ce qui aurait pu éventuellement exister autrement. J’aimerais beaucoup travailler l’histoire, mais c’est difficile, en me disant: c’était pas forcé. Et quand je pense ça, en général ça me donne des idées. »

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Le chant des sirènes de Jean-François Lacalmontie. Comme des palimpsestes informatiques, ses dessins-signes sont superposés par ordinateur.

« Lorsqu’une grande part de l’œuvre de Jean François Lacalmontie disparut dans un incendie en 1990, répondant aux questions d’Olivier Kaeppelin, l’artiste remarquait « Le feu est bien sûr une catastrophe, mais la catastrophe est incluse dans notre vie à chaque instant. Elle peut surgir dans un présent absolu. Mon œuvre est nourrie de cela cette épaisseur du présent qui défait le savoir et n’engage aucune spéculation sur l’avenir… »Louis Marin