Steps…
(Reconstruction de partitions Laban, entre les danses modernes américaine et allemande et le mime : 1936-1946)
With my red fires (extrait), Doris Humphrey, 1936
Steps in the Street, Martha Graham, 1936
Etudes wigmanniennes, Gundel Eplinius
Les Arbres (extrait), Etienne Decroux, 1946
Durée : 1h
Diffusion:
le 13 juin 2018 à Micadanses, Paris
le 23 juin 2018 au Conservatoire du 12ème arrondissement
http://micadanses.com/presentations/steps/
https://vimeopro.com/ciegramma/aurelie-berland
Programme de salle:
Dans la cadre d’une résidence artistique et culturelle de la Ville de Paris à Micadanses commencée en septembre 2017, Aurélie Berland présente les travaux de reconstruction de partitions Laban sur lesquelles s’appuie en partie sa prochaine création intitulée Les statues meurent aussi.
Entre les danses modernes américaine et allemande et le mime corporel, le programme se compose des œuvres de groupe Steps in the street de Martha Graham (extrait de la 2ème partie de Chronicle, « Danses après la catastrophe ») et le début de With my red firesde Doris Humphrey, toutes deux créées en 1936. Il s’y conjugue des formes engagées et abstraites aux frontières du militantisme et du primitivisme.
Elles seront interprétées par les danseurs du Conservatoire du 12ème arrondissement de Paris.
Puis, les Sept études wigmanniennes, interprétées en solo, déploieront les thèmes : balancer, au sol, tension, marcher, vibrer, sauter et glisser. Enfin, Les Arbres, quatuor du grand rénovateur du mime corporel Etienne Decroux, composé en 1946, proposera une perspective avec les techniques modernes.
- Steps in the Street, Martha Graham, 1936
Musique : Finale from New Dance, Wallingford Riegger, 1935
Notation : Ray Cook, 2004-2006.
Interprètes : Etudiants du Conservatoire du 12ème arrondissement de ParisWith my red fires (extrait), Doris Humphrey, 1936
- With my red fires, doris Humphrey, 1936
Musique : With my red fires, Wallingford Riegger, 1936
Notation : Els Grelinger, Lucy Venable, Rena Gluck, Karen Kanner and Muriel Topaz, 1954
Interprètes : Etudiants du Conservatoire du 12ème arrondissement de Paris
- Sept études wigmanniennes, Gundel Eplinius, Interprète : Aurélie Berland
- Les arbres (extrait), Etienne Decroux, 1946
Musique : Sonate au Clair de Lune, Beethoven,1801
Notation : Camille Bobelin, 2015-2016
Interprètes : Claire Malchrowicz, Alice Boivin, Marion Rhéty, Lola Atger
Texte de présentation pour la soirée :
« Vous allez assister à la présentation de danses modernes américaine et allemande, et d’une pièce de mime, qui vont s’enchaîner dans l’ordre chronologique après cette introduction.
Elles ont été préparées dans le cadre d’une résidence artistique et culturelle à Micadanses, subventionnée par la Ville de Paris. Les trois premières pièces seront présentées également le 23 juin au conservatoire du 12ème arrondissement Paul Dukas.
Il s’agit pour moi d’un travail de recherche en vue d’une prochaine création. Ces pièces ont été choisies pour la période historique à laquelle elles se réfèrent, mais aussi parce qu’elles représenteraient les influences de la chorégraphe Karin Waehner sur laquelle j’ai commencé à travailler l’année dernière.
Ces reconstructions s’appuient sur les partitions existantes, dans le système de notation du mouvement de Rudolf Laban, que j’ai déchiffrées et transmises, doublées d’interventions d’héritiers des styles, ainsi que d’une consultation des vidéos disponibles et autres sources documentaires.
Les deux premières pièces ont été transmises à deux classes du conservatoire du 12ème arrondissement de Paris : 11 élèves de Catherine Chatelain avec qui j’ai travaillé sur la pièce de Doris Humphrey (écrite pour 23 danseurs) et 9 élèves de Vinciane Gombrowicz avec qui j’ai travaillé sur la pièce de Martha Graham (écrite pour 12 danseurs). Christophe Jeannot (ancien danseur de la compagnie de Martha Graham et enseignant de la technique) est également intervenu dans ce dernier groupe.
J’interprète seule les 7 études Wigmanniennes ; et le quatuor d’Etienne Decroux, Les Arbres, sera dansé par Marion Rhéty, Claire Malchrowicz, Alice Boivin et Lola Atger. Luis Torreao, enseignant de la technique Decroux et chorégraphe de la Compagnie Hippocampe, est venu nous aider pour peaufiner ce dernier.
Ces auteurs, nés entre 1986 et 1898, sont de la même génération qu’André Breton, Buster Keaton, Antonin Artaud, Bertolt Brecht, Federico Garcia Lorca, Adolf Hitler ou Charles de Gaulle.
En 1936, les chorégraphes américaines Martha Graham et Doris Humphrey avaient fondé chacune leur compagnie depuis dix ans environ, après avoir quitté l’école de Ruth Saint Denis et Ted Shawn. A la recherche d’une danse américaine, rejetant l’exotisme de la Denishawn et de la danse moderne allemande, s’attelant à l’étude du mouvement naturel, d’actions simples et puisant leur inspiration dans des formes de rituel. En 1931, elles avaient assisté ou participé à la recréation de Léonide Massine du Sacre du Printemps de Vaslav Nijinski, où la plupart des danseurs de leur compagnie participaient avec Martha Graham, au premier rang, dans le rôle de l’Elue.
L’extrait choisi de With my red fires de Doris Humphrey s’appelle d’ailleurs Rituel : Hymne au dieu Priape, dieu de la fertilité.
La culture amérindienne et le primitivisme dans l’art semblent avoir particulièrement influencé Martha Graham pour traduire la modernité américaine.
Ces pièces s’inscrivent dans un même contexte. With my red fires est créée le 16 août 1936 et Steps in the Street le 20 décembre 1936. Contexte toujours bouleversé par la grande dépression depuis 1929, marqué par le début de la guerre civile espagnole très médiatisée aux USA et par les Jeux Olympiques de Berlin. Les chorégraphes américains refusent d’ailleurs de participer à l’inauguration d’un stade avant les Jeux, ce qui les fédèrent contre le fascisme au delà des dissensions de classes. En effet, Doris Humphrey et Martha Graham étaient considérées comme les représentantes de l’art bourgeois non engagé et abstrait. Martha Graham semble avoir été félicitée de l’engagement de l’ensemble Chronicle auquel appartient Steps (bien que cette partie soit jugée encore trop abstraite).
Les études wigmanniennes ont été composées par Gundel Eplinius, une élève de Mary Wigman, diplômée en 1939 de son école à Dresde. Mary Wigman est une danseuse, chorégraphe et pédagogue représentante de la danse moderne expressionniste allemande. Elle a étudié la gymnastique rythmique avec Dalcroze et collabore entre 1913 et 1919 avec Rudolf Laban, en quête d’une danse originelle. Le régime national socialiste auquel elle adhère oriente son art vers la recherche messianique d’une danse allemande. Elle participe à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de 1936 et compose une chorégraphie sur les Carmina Burana du compositeur favori du régime Carl Orff. (En effet, le mouvement rythmique, l’économie d’effort et le principe de totalité organique sont des lois de la danse moderne récupérées par le régime national-socialiste).
Le recueil d’exercices est intéressant parce que la technique Wigman ne se fondait justement pas sur des exercices écrits, comme la danse américaine de Martha Graham, mais davantage sur l’improvisation vers la composition. Il s’agit alors de faire le chemin à l’envers.
Etienne Decroux est un artisan de métier (maçon et débardeur) avant de se former comme acteur. Il découvre le mime chez Jacques Copeau puis, pendant la seconde guerre mondiale, décide de se consacrer pleinement à la rénovation du mime « corporel » qui s’oppose à la pantomime blanche de Debureau.
Les Arbres, mimodrame composé en 1946 dans ce contexte d’après-guerre, est une réaction à la découverte des atrocités que l’on connaît, une métaphore de l’homme dans sa lutte contre la gravité au sens physique et moral, en même temps qu’un manifeste du mime comme art grammatical.
Bonne soirée ! »